Les permis de construire font régulièrement l’objet de litiges entre voisins. Tout propriétaire qui obtient une autorisation de construire par la mairie peut ainsi se voir contraint de stopper les travaux en cas de contestation par un voisin. Le délai de recours des tiers (2 mois) court à partir de l’affichage du permis de construire visible de la voie publique.
Les exigences sont nombreuses concernant cette obligation d’affichage (respect du délai d’affichage, dimensions du panneau, informations qui doivent y figurer...). L’irrespect de cette obligation peut allonger le temps de recours des tiers (durant 6 mois après l’achèvement des travaux). C’est notamment ce que rappelle le Conseil d’État dans un arrêt du 10 mars 2025.
La reconstruction d’une ruine : l’acceptation d’un permis de construire qui pose problème pour le voisinage
En l’espèce dans cet arrêt, deux permis de construire ont été octroyés pour la réhabilitation d’un bâtiment en ruine. Or, les bâtiments en ruine répondent à des exigences spécifiques. L’article L111-23 du Code de l’urbanisme dispose ainsi que : “La restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs peut être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 111-11, lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment.”
Dans cette affaire, seuls 3 murs porteurs extérieurs sur 4 sont encore debout. De ce fait, un voisin a fait un recours devant le tribunal administratif de Grenoble. Le tribunal a accueilli favorablement ce recours et a annulé les permis de construire, décision qui a été confirmée en appel. Le propriétaire du bâtiment s’est donc pourvu en cassation devant le Conseil d’État en espérant voir annuler cette décision.
Pour cela, le porteur de projet dénonce le dépassement du délai de 2 mois pour contester les permis. Pour cela, ce dernier apporte une photographie prise le premier jour d’exposition du panneau d’affichage du permis de construire ainsi qu’un témoignage.
La preuve de l’affichage d’un permis de construire : une photographie est-elle suffisante ?
Sans réelle surprise, le Conseil d’État considère que la Cour administrative d’appel de Lyon n’a commis ni d’erreur de droit ni de dénaturation des faits en confirmant l’annulation des permis.
En effet, la Cour d’appel a motivé sa décision en estimant que les métadonnées qui accompagnent la photographie du panneau d’affichage n'apportent aucune garantie d’authenticité. Une photographie et ses métadonnées peuvent être aisément modifiées par traitement informatique. Le témoignage d’un tiers n’apporte pas plus de force probante à cette photographie. Ces deux éléments représentent uniquement un faisceau d’indices pour la Cour, avec une force probante limitée.
Comment prouver l’affichage continu d’un permis de construire ?
L’arrêt fait ici mention de l’absence de preuve de la non-modification des métadonnées provenant de la photographie du panneau d'affichage du permis de construire. En soi, le rejet du pourvoi du porteur de projet repose principalement sur ce manque de preuve ayant une force probante élevée. Si ce dernier avait pu prouver le dépassement du délai pour contester les permis, l’issue de cette affaire aurait pu être tout autre.
À l’heure où les nouvelles avancées technologiques et l’IA démocratisent la modification des photographies et métadonnées, les tribunaux se montrent de plus en plus vigilants.
Ici, un constat de commissaire de justice aurait été le bienvenu afin de prouver de manière certaine et impartiale la date de début du délai pour contester les permis de construire. En effet, il s’agit d’un élément de preuve irréfutable sauf preuve du contraire.
Afin de prouver l’affichage continu d’un permis de construire, un commissaire de justice peut effectuer plusieurs constats durant toute la durée d’affichage, notamment le 1er ainsi que le dernier jour d’affichage. Cette précaution permet de produire des éléments de preuve en cas de contestation du voisinage hors délai.